Hockey  France St-Louis

L’extraordinaire parcours d’une pionnière

La qualifier de pionnière est un euphémisme.

France St-Louis, grande leader, à 30 ans, de la première équipe de hockey féminine canadienne admise aux Jeux olympiques, en 1998, capitaine de l’équipe canadienne entre 1992 et 1994, a joué au hockey organisé pour la première fois à l’âge de 19 ans. Les filles, dans les années 70, ne jouaient pas au hockey. Ni avec les filles ni avec les garçons. Point final.

« J’assistais à tous les matchs de mon frère dans l’élite, mais aucun entraîneur n’a fait appel à moi, même si j’étais aussi bonne que lui, confie-t-elle. À l’époque, ça ne se faisait tout simplement pas. » 

« Je me suis développée en jouant sur les patinoires extérieures avec mon frère. J’ai joué dans une équipe pour la première fois dans une ligue senior, une fois adulte... »

— France St-Louis

Les honneurs pleuvent sur elle depuis un an. En janvier 2014, celle que plusieurs surnomment la « Maurice Richard du hockey féminin » a été admise à l’Ordre du hockey au Canada en compagnie de Steve Yzerman. Quelques mois plus tard, Hockey Québec l’intronisait au sein de son Temple de la renommée.

« Je regrette parfois de ne pas être née 20 ou 30 ans plus tard, soupire-t-elle. Je me demande seulement ce que je serais devenue, si j’avais pu commencer jeune. J’aurais surtout pu jouer dans une équipe pendant mon enfance et mon adolescence, ce dont je rêvais tellement. 

« C’était cruel d’assister à tous les matchs de mon frère sans pouvoir jouer. Mes parents m’ont inscrite en patinage artistique, mais ça n’a pas duré, ma passion demeurait le hockey. Mais en même temps, je regarde mon parcours extraordinaire, je n’aurais jamais vécu ça si j’étais née à une autre époque. On a chacun notre destin et je ne serais peut-être pas devenue la personne que je suis aujourd’hui si j’avais grandi dans un contexte différent. 

« Et je pense en plus à toutes les autres qui, avant moi, n’ont même pas eu la chance d’aller aux Jeux olympiques. »

STAGNATION

Plus de 36 ans après sa première partie organisée, le paysage du hockey féminin a changé. Les femmes ont participé à cinq olympiades. Une gardienne, Manon Rhéaume, a même disputé un match préparatoire dans la LNH. Le bassin de joueuses a gonflé partout dans le monde. Les meilleures athlètes canadiennes s’entraînent à l’année et sont payées pour le faire. Des circuits collégiaux et universitaires offrent des programmes intéressants.

« La plus grande évolution au plan technique, ce sont les tirs. Nos lancers n’étaient pas puissants. Les joueuses s’entraînent désormais sur 12 mois et sont mieux développées physiquement. Elles sont plus fortes, plus rapides. Mais il faut arrêter de se comparer au hockey masculin. Et arrêter de rêver de voir une joueuse dans la Ligue nationale de hockey. Apprécions ce que nous avons à offrir, nous. » 

« Au plan physiologique, les hommes seront toujours plus forts. »

— France St-Louis

Malgré tout, et malgré les prouesses de Marie-Philip Poulin avec l’équipe olympique, le hockey féminin est en stagnation au Québec. Le nombre de joueuses a bondi de 2715 en 1998-1999 à 6519, 15 ans plus tard, mais il accuse une légère baisse depuis trois ans. Et la proportion de joueuses parmi tous les joueurs inscrits à Hockey Québec est la plus faible au pays, à 6,5 %, comparativement à 18 % en Ontario. Il y a d’ailleurs 43 000 joueuses dans la province voisine.

« Est-ce que les filles doivent jouer avec les filles, comme le font les Ontariennes ? On avait tenté de le faire quand je me suis impliquée à Hockey Québec il y a plusieurs années, mais ils ont décidé de redonner le choix aux participantes il y a trois ans. L’élite se développe, mais on a malgré tout beaucoup de difficulté à élargir notre bassin d’athlètes. Je suis consciente qu’on peut permettre aux athlètes d’élite d’évoluer avec les garçons parce qu’elles ont accès à un meilleur calibre et à plus d’heures d’entraînement de qualité, mais il y a néanmoins des leçons à tirer du modèle ontarien. »

Elle se réjouit néanmoins de constater que les jeunes filles peuvent désormais avoir des modèles féminins. « Mes idoles à moi, c’était Guy Carbonneau et Wayne Gretzky, dit-elle. Je me souviendrai toujours de mon premier déjeuner dans le village olympique, à Nagano en 1998. J’ai le nez dans mon assiette quand j’entends une voix me demander s'il peut s’asseoir avec moi. Je lève les yeux et c’est Wayne Gretzky... »

ET L’AVENIR ?

France St-Louis, également l’une des plus grandes joueuses de crosse que le pays ait connues, fêtait hier, en cette journée d’entrevue avec La Presse, ses 56 ans. Elle enseigne toujours l’éducation physique au cégep du Vieux Montréal. Elle œuvre aussi comme conseillère pour les Carabins de l’Université de Montréal et a agi comme chef de mission adjointe de l’équipe olympique canadienne pour les Jeux olympiques d’hiver de 2014 à Sotchi, en Russie. Il y a aussi ses écoles de hockey estivales, désormais réservées aux catégories adultes. Mais elle a réduit son engagement.

« J’en ai fait beaucoup au fil des années. Je veux penser à moi aussi. Je laisse la relève aux autres. Je vois ce que fait Caroline Ouellet aujourd’hui avec ses tournées de promotion et c’est épatant. Il en faut d’autres comme elle pour promouvoir le hockey féminin, mais les candidates sont rares. »

À quoi ressemblera le hockey féminin dans 20 ans ? France St-Louis aimerait le savoir. Elle souhaite surtout que les jeunes filles puissent évoluer ensemble pour espérer atteindre un taux de participation qui s’approche du nombre de joueuses de soccer au Québec, qui se compte par dizaines de milliers. Utopie ? L’avenir nous le dira.

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